LOI PORTANT RÉFÉRENDUM D’AUTODÉTERMINATION DU PEUPLE KABYLE
– Conformément à la Charte des Nations-Unies, notamment ses dispositions sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et que l’Algérie a retranscrit dans sa Constitution (Article 32) ;
– Considérant la Résolution des Nations Unies N° 1514 du 14/12/1960, sur la décolonisation des peuples ;
– Considérant la déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 consacrant le droit des peuples à l’autodétermination ;
– Considérant les pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies le 19 décembre 1966, et ratifiés par l’Algérie, reconnaissant respectivement dans leur article 1 que « Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel » ;
– Considérant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des Peuples Autochtones adoptée à l’unanimité, le 13/09/2007, affirmant dans son article 3, que « les peuples autochtones ont le droit à l’autodétermination, en vertu de ce droit, ils déterminent leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel. » ;
– Considérant la charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981, ratifiée par l’Algérie en 1987, stipulant dans son article 20, alinéa 1 que « Tout peuple a droit à l’existence. Tout peuple a un droit imprescriptible et inaliénable à l’autodétermination. ll détermine librement son statut politique et assure son développement économique et social selon la voie qu’il a librement choisie » ;
– Considérant la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide des Nations Unies de décembre 1948, ratifiée par l’Algérie en octobre 1963 ;
– Considérant la convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants des Nations Unies de décembre 1984 et ratifiée par l’Algérie en mai 1989 ;
– Considérant l’accord d’association UE-Algérie et notamment son article 2, qui dispose que le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l’homme inspire les politiques internes et internationales des parties et constitue un élément essentiel de l’accord ;
– Considérant l’installation de l’Anavad, le 01/06/2010 ;
– Considérant le décret N° GZM/ASAN/20/ASF/1406/10 portant installation officielle de l’Imni Aqvayli, premier parlement officiel de l’histoire contemporaine de la Kabylie, dévoué à la lutte politique pour l’indépendance et le droit du peuple Kabyle à son autodétermination ;
– Considérant l’annexion illégale, par la France coloniale, de la Kabylie à partir du 24 juin 1857 sans qu’aucun accord de capitulation ne soit signé par aucune partie Kabyle, le jour où la Kabylie a perdu son indépendance et sa souveraineté ;
– Considérant que le peuple Kabyle aspire plus que jamais à regagner son indépendance confisquée en 1857 ;
– Considérant l’insurrection de 1871 du peuple Kabyle contre la colonisation Française de la Kabylie et pour recouvrer sa souveraineté ;
– Considérant l’engagement de la Kabylie contre la colonisation française dans la guerre d’Algérie, de 1954 à 1962 ;
– Considérant la guerre de Kabylie de 1963/1965 en tant qu’acte de résistance du peuple kabyle contre sa sujétion à l’Algérie néocoloniale ;
– Considérant le rapport de défiance de la Kabylie envers l’Algérie depuis 1962 ;
– Considérant les politiques de dépersonnalisation pratiquées par le pouvoir contre la Kabylie depuis près de 60 ans, avec l’arabisation et l’islamisation qui s’attaquent à la langue kabyle et à la laïcité ;
– Considérant la lutte historique et pacifique du peuple Kabyle pour les droits humains, pour les valeurs démocratiques, pour les libertés et pour la reconnaissance de leur histoire, leur culture et leur identité et plus généralement de l’identité amazighe de l’Afrique du Nord.
– Considérant l’infatigable lutte du peuple kabyle contre la dictature, le racisme et le fascisme, le déni d’existence et le déni de droit dont il est victime, illustré par :
• La révolte au cours des printemps « Amazigh » de Kabylie de 1980 et 1981 ;
• Le boycott scolaire (grève du cartable) de 1994-1995 (du primaire au doctorat) pour exprimer leur refus du bannissement de la langue kabyle de l’école et de l’officialité ;
• La révolte populaire qui a suivi l’assassinat du chanteur engagé et défenseur des droits humains Lounès MATOUB en 1998 ;
• Le Printemps noir 2001/2003 qui s’est soldé par 130 morts, 6 000 blessés et 1 200 handicapés à vie côté kabyle qui, même en état de légitime défense, avait conservé son pacifisme.
– Considérant la marche historique du peuple Kabyle sur la capitale algérienne du 14 juin 2001, qui constitue une journée de renaissance de la Nation Kabyle, réprimée dans le sang malgré son caractère résolument pacifique et son encadrement tout au long de son itinéraire par les délégués de la Kabylie ;
– Considérant que les conflits opposant le Peuple Kabyle à l’Etat colonial algérien sur les plans historique, politique, sociétal et culturel ont souvent eu pour conséquence des événements dramatiques du fait du « tout répressif » de l’Etat colonial aux intentions génocidaires ;
– Considérant l’impunité officielle dont jouissent les assassins des enfants et des opposants kabyles depuis 1962 ;
– Considérant que le Peuple Kabyle forme une Nation Kabyle qui ne peut être soumise ou colonisée par quelque puissance que ce soit, l’Algérie comprise ;
– Considérant la ferme conviction du peuple Kabyle que seule l’Édification d’un Etat Kabyle avec ses propres institutions est à même de garantir sa survie, sa prospérité et sa cohésion ;
– Considérant que le peuple Kabyle est souverain pour décider, dans le respect du droit international, et par voie référendaire, de disposer de lui-même et de se doter de ses propres institutions, ses moyens de protection et de promotion ;
– Considérant le congrès Extraordinaire du MAK, le 09/01/2019, qui a fixé l’indépendance de la Kabylie comme son objectif stratégique et qui a vu la réélection du président du MAK et de l’ANAVAD sortant à l’unanimité des congressistes ;
– Considérant le Projet pour l’Indépendance de la Kabylie, P.I.K, adopté le 09/01/2019, qui définit dans ses articles les moyens et modalités politiques pour l’indépendance de la Kabylie et la construction de l’Etat Kabyle ;
Après examen, amendements et adoption par l’IMNI AQVAYLI en plénière du samedi 17/04/2021 ;
Au nom du peuple kabyle, le Président de l’Anavad promulgue la présente Loi dont la teneur suit :
TITRE I. Objet de la loi
Article 1 : Il est décidé d’organiser un référendum d’autodétermination du peuple kabyle, s’étalant du 20/04/2021 au 20/04/2022, inclus.
Article 1.1 : Ce référendum respecte strictement les règles universelles de confidentialité et du libre choix de chaque électeur(e).
Article 1.1.1 : La présente loi régit la tenue du référendum d’autodétermination pour l’indépendance de la Kabylie, et la mise en place d’une commission référendaire chargée de veiller au bon déroulement du scrutin.
TITRE II. De la souveraineté de la Kabylie et de son Parlement
Article 2 : Le peuple Kabyle est souverain, jouissant de sa liberté inaliénable et de sa dignité imprescriptible, et à ce titre, il dispose du droit de décider librement et démocratiquement de son destin politique.
Article 3 : Le Parlement Kabyle est un parlement de lutte pour la souveraineté du peuple Kabyle.
Article 3.1 : La présente loi établit un régime juridique exceptionnel visant à réglementer et à garantir le référendum d’autodétermination sur l’indépendance de la Kabylie. Elle prévaut hiérarchiquement sur toute loi susceptible de la contredire, en sa qualité de garante de l’exercice d’un droit fondamental et inaliénable du peuple Kabyle.
Article 3.2 : Toutes les autorités et les personnes physiques et morales qui participent directement ou indirectement à la préparation, la tenue et/ou la mise en œuvre du référendum sont couvertes par la présente loi qui met en œuvre l’exercice du droit à l’autodétermination.
TITRE III. Du Référendum d’autodétermination
Article 4 : Le vote se fera au moyen de la plateforme électronique AFRAN, mise en œuvre par l’Anavad, pendant toute la durée du processus référendaire défini dans l’article 9.
Article 4.1 : Des scrutins auront également lieu dans les villages où les conditions d’un vote traditionnel, avec urnes, assesseurs et scrutateurs, garantissant la fiabilité du résultat à proclamer, sont réunies.
Article 5 : Tout citoyen kabyle ayant le droit de vote est invité à s’inscrire sur les listes électorales, y afférentes.
Article 6 : Les modalités pratiques du recensement général instauré par décret gouvernemental, des citoyens Kabyles résidant en Kabylie ou à l’étranger sont décrits par les articles 22, 23, 24, 25, 26, 27 et 28.
Article 6.1 : Il appartient aux kabyles nationaux et ressortissants recensés et inscrits sur les listes électorales de décider de l’avenir politique de la Kabylie en répondant à la question posée par le référendum : « Êtes-vous pour l’indépendance de la Kabylie ?»
Article 6.2 : À la suite de la proclamation des résultats, l’ANAVAD convoque en session extraordinaire l’Imni Aqvayli pour statuer sur la suite à donner en fonction des résultats proclamés.
Article 7 : Le bulletin de vote contient la question mentionnée dans l’article 6.1. La question est rédigée en Taqvaylit, en Français et en Anglais.
Article 7.1 : Le modèle de bulletin de vote doit intégrer le drapeau Kabyle et les mentions : Ih (Oui / Yes) et Ala (Non / No).
Article 7.2 : Toute personne peut se faire assister ou donner procuration à une tierce de son choix recensée et inscrite sur les listes électorales.
Article 7.3 : Les procurations seront délivrées par la commission référendaire.
Article 8 : Le vote peut être positif (Oui) ou négatif (Non) selon l’option choisie par l’électeur.
Article 8.1: L’électeur n’a le droit de voter qu’une seule fois.
Article 8.2 : L’électeur porteur de procuration vote au nom du titulaire et signataire de la procuration.
Article 8.3 : Toute personne non inscrite au préalable sur la liste électorale n’a pas le droit de voter.
TITRE IV. De la date et de la convocation du Référendum
Article 9 : La date du référendum est fixée du 20/04/2021 au 20/04/2022, inclue.
Article 9.1 : L’Anavad adoptera, en cas de besoin, un décret précisant des modalités techniques régissant ce référendum sur d’éventuels problèmes non prévus par la présente loi.
Article 10 : Il est créé une Commission référendaire indépendante, ayant pour mission de veiller au respect des règles, au bon déroulement du scrutin et à la fiabilité des résultats.
Article 10.1 : Pour mener à bien sa mission, la Commission référendaire est composée d’un président, de deux vice-présidents, d’un secrétaire général et de trois auditeurs.
Article 10.2 : Le résultat du référendum est acté par un procès-verbal signé par l’ensemble de ses membres et transmis au président de l’Anavad.
Article 10.3 : les résultats préliminaires du processus référendaire sont prononcés officiellement dans un délai de trois jours, à la date d’achèvement de ce dernier.
Article 10.4 : Des recours, et des contestations peuvent être soumis à la Commission référendaire dans les trente (30) jours après la proclamation des résultats préliminaires.
Article 10.5 : Les recours et les contestations doivent être justifiés en indiquant de manière précise les irrégularités relevées.
Article 11 : La commission du référendum, après vérification épuisement des recours, proclame les résultats définitifs du processus à la date officielle du 14/06/2022 (journée de la Nation Kabyle).
TITRE V. Des garanties du Référendum
Article 12 : La commission du référendum régie par le titre VI de la présente loi veille à ce que la mise en œuvre du référendum soit conforme aux dispositions de la présente loi et de ses règlements d’application ainsi qu’aux dispositions et aux instruments internationaux en la matière.
Article 13 : L’Anavad (gouvernement provisoire Kabyle) et la Commission du référendum encouragent et œuvrent pour la présence d’observateurs internationaux. À cet effet, ils invitent des organisations internationales et des observateurs qualifiés pour ce type de mission.
Article 13.1 : La Commission référendum accrédite les observateurs internationaux et assure pleinement le libre exercice de leurs activités jusqu’à l’accomplissement de leur mission.
Article 13.2 : Les observateurs internationaux accrédités accompagneront le déroulement du scrutin, en participant à la supervision de la plateforme électronique et en surveillant en permanence le processus jusqu’à la restitution du résultats du scrutin référendaire.
TITRE VI. De la Commission Référendum
Article 14 : La commission référendum est instaurée par un décret présidentiel accompagné d’un appel aux élections.
Article 14.1 : Elle prépare, organise, gère, et supervise le référendum d’autodétermination pour l’indépendance de la Kabylie et prend les mesures nécessaires pour assurer sa transparence et son intégrité.
Article 15 : La Commission Référendum est composée :
– Des membres du gouvernement provisoire Kabyle et des membres de la commission parlementaire spéciale sur le projet de Référendum Kabyle.
– De personnalités indépendantes et impartiales choisies en fonction de leur compétence, de leur expérience et de leur crédibilité.
– Des représentants de la société civile Kabyle.
– Des représentants de formations politiques kabyles
– Des représentants des citoyens kabyles
Article 16 : La Commission référendum exerce les missions définies par décret présidentiel en rapport avec le référendum :
– Assurer la sécurité de la plateforme référendaire contre toute tentative de piratage et de falsification des résultats.
– Superviser le processus d’inscription des citoyens sur les listes électorales.
– Assurer la préparation et l’organisation du référendum depuis le début des inscriptions sur les listes électorales jusqu’au jour de l’annonce des résultats définitifs du référendum.
– Proclamer les résultats préliminaires du référendum.
– Etudier et statuer sur les recours et contestations.
– Proclamer les résultats définitifs du référendum.
– Accompagner le Comité des Observateurs étrangers pour suivre le déroulement du Référendum de l’Autodétermination de la Kabylie.
– Accompagner les Organisations internationales désireuses ou invitées à réaliser un Audit des plateformes électroniques de vote Afran et de recensement Uddun.
Article 17 : Les membres de la Commission référendum de la Kabylie élisent parmi eux un président et un secrétaire.
Article 18 : Le gouvernement provisoire Kabyle met à la disposition de la Commission Référendum les moyens matériels et humains nécessaires à l’exercice de leurs fonctions.
TITRE VII. Du Comité des Observateurs étrangers
Article 19 : Le Comité des Observateurs étrangers est instauré par un décret présidentiel accompagné d’un appel aux élections.
Article 19.1 : Il supervise en qualité d’observateurs le référendum d’autodétermination pour l’indépendance de la Kabylie.
Article 20 : Le Comité des Observateurs étrangers est composé d’observateurs internationaux représentant divers organismes internationaux :
– UNPO
– ONU
– Union Européenne
– Parlement Européen
– Union Africaine
– Union Interparlementaire internationale (UIP)
– Union des Parlementaires Africains
Article 21 : Le Comité des Observateurs étrangers exerce les missions définies par décret présidentiel en rapport avec le référendum de l’autodétermination de la Kabylie.
TITRE VIII : Du corps électoral
Article 22 : La commission parlementaire Laɛnaya est responsable du recensement du Corps électoral.
Article 22.1 : Le processus de recensement est mené par la commission Laɛnaya sous la supervision de la Commission référendaire. La Commission Laɛnaya mettra en place le dispositif organisationnel approprié par l’encadrement et l’exécution du recensement et du référendum.
Article 23 : Le recensement se fait en ligne sur la plateforme de recensement électronique Uddun, mise en œuvre par l’Anavad.
Article 23.1 : Le recensement vaut inscription sur les listes électorales. Il est ouvert à tous les Kabyles de Kabylie et de la diaspora, âgés de plus de 16 ans.
Article 23.2 : Le vote sur la plateforme de vote électronique est ouvert à tous les Kabyles recensés dans la plateforme UDDUN qui remplissent les conditions requises pour voter.
Article 23.3 : Les scrutins physiques dans les villages, sont au préalable soumis à recensement officiel, opéré par les délégués de la Commission Référendum.
Article 23.4 : Tout recensement effectué est soumis au processus de vérification et de validation par la Commission du Référendum.
Article 23.5 : Les représentants de famille en Kabylie peuvent proposer le recensement des membres de leur famille qui réside en dehors de la Kabylie.
Article 24 : Aucun électeur ne peut être recensé plus d’une seule fois. Aucun électeur ne peut voter plus d’une seule fois.
Article 25 : Tout Kabyle jouissant de ses droits civils, ayant atteint l’âge de 16 ans révolus le jour du vote est considéré comme électeur.
Article 25.1 : Tout Kabyle, ayant l’âge requis, recensé et remplissant les conditions de vote est considéré comme électeur.
Article 26 : Les listes électorales sont mises à la disposition de la commission référendum, et intégrées dans la base de données de la plateforme de recensement Uddun.
Article 27 : Aucun recensement ne se fait contre la volonté du recensé. Toutes les données personnelles des électeurs sont cryptées, sécurisées et protégées dans les deux plateformes Afran et Uddun.
Article 28 : Toutes les données personnelles sont classées confidentielles. Chaque recensé ne peut avoir accès qu’à ses données personnelles.
Dispositions finales
Article 29 : Conformément aux dispositions de l’article 3, paragraphe 2, les dispositions de la présente loi cessent d’être en vigueur une fois proclamés les résultats du référendum pour l’autodétermination de la Kabylie, soit le 14/06/2022.
Entrée en vigueur :
La présente loi entre en vigueur le jour de sa publication au journal officiel Kabyle
10/05/2021
Signé : Mas Ferḥat AT SΣID (MEHENNI)